Dimanche après-midi, assise le cul dans le bac à douche, je chiale tout ce que j’ai.

Je trouve la vie difficile, injuste, pourrie. Je me sens dissoute dans la maternité et le liquide chaud qui m’inonde me fait sentir physiquement cet abandon de moi-même.

Un mois que mes enfants sont malades chacun leur tour. Un mois de rendez-vous chez le médecin, de pschittages de nez (je sais, ce n’est pas un vrai mot mais au point où j’en suis, je n’en ai plus rien à faire) de mouchages, sirops, comprimés, prise de températures, réveils nocturnes. Ma vie ne m’appartient plus.

Peut-être que la solution serait d’abandonner complètement l’idée d’exister en tant qu’individu. Lâcher ce qui me retient encore pour me dissoudre complètement. Sacrifier qui je suis sur l’autel de la Maternité.

 

D’ailleurs à ce point là de ma vie, qui suis-je à part une mère ? 

Voici ce que j’ai pu écrire et ressentir. Ma souffrance de maman BURN’ette et la culpabilité qui va avec. La culpabilité de détester ma fonction maternelle lorsque mes ressources ont été complètement dépassées.

A l’époque, j’étais encore en couple avec le père de mes enfants et il prenait le relais quand j’en arrivais à être dans cet état, il me regardait comme si j’étais cassée : « C’est bizarre, hier elle fonctionnait encore et aujourd’hui, elle pleure dans le bac à douche. Elle est fragile ».

J’étais une putain de warrior comme l’immense majorité des femmes sur cette Terre.

Et il ne s’agit absolument pas d’une déficience qui incomberait à la femme. Si nous sommes plus touchées par le burnout, c’est dû à une déficience de notre société patriarcale.

En ce moment, je prévois les différentes vacances avec les enfants. Des trucs cools avec des amis. Je leur réserve des activités pour qu’il y ait un équilibre, pour limiter les disputes dans la fratrie et encore une fois préserver mon énergie. Si je suis lessivée, je crie et j’ai envie de me réfugier sous ma couette avec un thé et un livre, dans ce cas, je n’arrive plus à faire face.

Vendredi, je vais à un groupe de parole dont le thème est « Maman et Burn’ette ». J’ai évité ce type de groupe jusqu’à présent car je culpabilise de ne pas être une mère parfaite.
Je culpabilise de crier. Je vis le fait de les punir, c’est à dire de les envoyer dans leur chambre, comme un échec.

A la naissance de mon aînée, j’accourais au moindre pleur. Je voulais qu’elle se sente aimée, qu’elle sache que j’étais là pour elle. Elle pleurait beaucoup donc je l’avais constamment en écharpe. Je l’ai portée jusqu’à son entrée en maternelle. J’étais épuisée. J’avais des douleurs sciatiques mais je ne lâchais pas. Il y a cette injonction à satisfaire tous les besoins des tout petits sous peine de leur créer des dommages irréversibles au cerveau. Beaucoup d’articles, soit disant basés sur les neuro-sciences, traitent des effets du stress sur le cerveau des enfants et les dommages qui en résultent.

Aujourd’hui, j’en reviens.

A une époque, on considérait que le système nerveux des bébés n’étant pas mature, ils ne ressentaient pas la douleur. Aujourd’hui on a l’impression que le moindre pleur peut endommager de manière irréversible ce même système nerveux. Peut-être qu’il fallait passer d’un extrême à l’autre pour trouver un équilibre pour les futures générations.

Il y a 10 ans, enceinte de 7 mois, en plein essor du maternage proximal, j’avais assisté à une réunion de la Leche League à Paris pour mieux me préparer à la maternité.
Selon la légende, j’étais sensée produire une quantité astronomique de lait après la naissance de ma fille et j’aurais pu selon toute vraisemblance alimenter tous les lactariums de France…
Guess what ? Ça n’a pas été le cas.

Personne ne m’a conseillée d’acheter des biberons et du lait en poudre au cas où… Et, se retrouver en pleine nuit sans lait avec un bébé affamé est un moment franchement pénible à vivre. Il n’y a pas d’accompagnement à la parentalité.

On se débrouille avec notre propre éducation, nos croyances et notre volonté de faire au mieux pour notre enfant chéri.
En ce qui me concerne, je n’avais pas d’exemple sur lesquel m’appuyer. J’avais l’impression de devoir inventer un modèle familial et maternel. Mes amies proches n’étant pas mères, je ne pouvais pas partager mon vécu et je me suis sentie très seule face à ma responsabilité de ne surtout pas abimer ce cerveau tout neuf qui m’était confié.

Aujourd’hui, quand mes enfants se chamaillent et qu’ils partent dans une vrille inarrêtable, je le vis comme un échec personnel, une preuve de mon incapacité à… À quoi ?

Parfois je ressens de la honte face à mes amis, comme si je n’arrivais pas à « gérer » mes enfants.

Je me sens dépassée, j’ai l’impression d’avoir échoué à créer une atmosphère familiale sereine.

Leurs cris, les coups qu’ils peuvent se mettre, m’épuisent complètement. Ce bruit strident se traduit par une douleur dans mes tympans ou dans ma poitrine et j’ai besoin de faire cesser cette hyperstimulation. J’ai pensé à mettre des boules Quies pour gérer ce type de situation plus sereinement mais je ne l’ai pas encore mis en pratique.

En général, je hurle et je les envoie dans leur chambre. Bad Mum !

Ça aussi c’est un problème : j’ai l’impression qu’on ne devrait plus demander aux enfants d’obéir… Il n’y a que moi qui ai ce ressenti ? Nos enfants devraient coopérer sagement : « Oui maman. Mon volume sonore ayant largement dépassé la limite autorisée, je me rends de ce pas dans ma chambre. »

Mes enfants ne jouent jamais spontanément dans leur chambre, en général ils préfèrent descendre leurs jouets et envahir le salon mais, quand ils y sont punis, ils y jouent !

Parfois, ils se rejoignent en douce et ils lisent une histoire à deux. Le truc incroyable qu’ils ne font jamais spontanément ! On croirait les enfants de la pub Ricoré !

En pratique, je me dis qu’il faudrait peut-être que je les envoie dans leur chambre plus tôt, peut-être que je préserverai mon énergie et qu’ainsi je crierai moins. Faire de la prévention. Ne pas attendre le dégoupillage général.

J’espère que ce groupe de parole me permettra de me libérer de ce ressenti de Bad mum.

Je me dis que ce n’est peut-être pas complètement de ma faute si je crie, c’est lié aux conséquences du burnout, mais je culpabilise quand même de le faire subir à mes enfants. Peut-être que tous les parents crient à un moment ou à un autre, mais je ne suis pas dans leur intimité et je ne les vois pas faire.

Non… Moi, j’observe mes copines à fond dans l’éducation bienveillante qui gardent leur calme face à des gamins en furie : « C’est pas bien Lucien de jeter ton bol de céréales contre le mur. Maintenant maman va nettoyer et tu vas prendre ta petite éponge Montessori pour réparer. Ensuite, tu iras piocher dans ta boîte à colère et nous lirons ensemble ce que Gaston la Licorne te conseille pour retrouver ton calme. »

Le jour du groupe de parole arrive.

Nous sommes quatre mamans d’enfants qui ont entre 6 et 12 ans et nous avons toutes fait un burnout il y a plus ou moins longtemps. Chacune à notre tour, nous nous présentons et l’émotion affleure déjà. Certaines sont mamans d’enfants qui ont des besoins particuliers (neuro-atypie ou maladie chronique), ce sont encore des sollicitations supplémentaires.

Les larmes se libèrent en même temps que le poids de ne pas être une mère parfaite s’allège. Je ne suis pas la seule à me sentir à bout, à crier sur mes enfants et à ne pas trouver de solutions pour faire autrement. Les autres comprennent, elles savent intimement mes difficultés pour les avoir vécues dans leur quotidien.

Deux heures et demie de discussions à bâtons rompus, de partage d’expérience, de tips à essayer pour se créer des bulles d’oxygène dans la journée avec les enfants, des moments à soi.

Le groupe de parole est animé par Claire, coach certifiée, maman et ex-BURN’ette, elle nous déculpabilise et nous rassure sur la possibilité de rattraper le tir. Les cerveaux de nos enfants ne sont pas foutus, un incident isolé au milieu de tous nos efforts pour qu’ils se sentent bien, ne va pas léser leur système nerveux pour toujours. Elle nous permet de valoriser tous les moments avec des interactions agréables que nous vivons avec notre progéniture, elle nous interroge sur la manière que nous avons de nous ressourcer. Sachant qu’aller seule au supermarché ou aux toilettes, n’est pas considéré comme un moment personnel.

Ce que j’en ai retenu, est :

  • l’importance de prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres.
  • La nécessité de se ressourcer avant de se sentir vidée, avant d’avoir tellement donné qu’il ne reste plus rien.
  • Faire de notre bien-être une priorité.
  • La possibilité également, de créer des routines pour les enfants, ainsi ils s’y réfèrent et ce n’est plus le parent qui doit répéter mille fois les différentes étapes jusqu’à mettre ses chaussures pour l’école.
  • Les impliquer plus pour qu’ils participent, à leur hauteur, aux tâches domestiques.


    Et toi qui me lis, que fais-tu pour nourrir ton âme ?
    Quels moments privilégiés t’accordes-tu ?

Amélie, BURN’ette is Back, mère et femme.