Le burn out par consentement

Témoignage de Marion

Aout 2016

D’abord, il y a la fierté…

Tu obtiens enfin ce poste qui correspond à la fois à tes aspirations et à tes compétences. Tu es tellement heureuse de cette reconnaissance.

Alors tu acceptes tout … Ce poste aux responsabilités mal définies lié à une réorganisation et à une fusion de service. Ce poste dont ton prédécesseur n’a pas voulu.

Et comme tu es consciencieuse et que tu n’imagines pas laisser tes clients sans remplaçant, tu acceptes de ton plein gré de conserver une partie de ton ancien poste pendant 6 mois tout en prenant tes nouvelles fonctions.

Ensuite, vient l’envie…

Tu es tellement motivée, que tu as envie d’apprendre trois fois plus vite que les autres, l’envie de comprendre, l’envie de bien faire, l’envie de tout faire, l’envie de réussir, l’envie de ne pas décevoir ce patron qui t’a choisi et te fait confiance. Et il y a aussi l’envie de ne pas décevoir tes proches qui sont eux aussi, pour l’instant, si fiers de toi et si compréhensifs de ton emploi du temps surchargé.

Alors tu acceptes tout… Le temps de travail excessif, les trop nombreux déplacements, les week end et les vacances passés à travailler pour faire face aux missions confiées.

Et puis l’engrenage commence…

Parce que c’est difficile d’être la meilleure, d’être la plus jeune, d’être une des rares femmes dans cette équipe, tu travailles tout le temps. Tu n’as plus goût à rien d’autre. Chaque minute de ton temps est optimisée pour travailler. Tu rattrapes le travail que tu n’as pas pu faire à cause des déplacements jusqu’à tard dans la nuit. Tu n’es plus disponible pour tes proches quand tu rentres chez toi car tu dois traiter tes 100 emails journaliers. Tu n’as plus le temps pour déjeuner car tu enchaînes les réunions téléphoniques, tu conduis en pilote automatique car ta voiture est devenue ton 2ème bureau, tu dors moins de 5 heures par nuit car les insomnies du milieu de la nuit te servent à préparer les dossiers du lendemain.

Alors tu acceptes tout… ton corps qui te rappelle à l’ordre avec des douleurs inexpliquées, des trous de mémoire, et ton besoin de boire un peu trop d’alcool.

Soudain ton entourage s’inquiète…

Mais toi tu restes dans le déni. Tu continues à être en hyper-activité. Tu n’as le temps pour rien. Encore moins pour toi. Ton travail devient obsessionnel. Ta maison à l’abandon, tes enfants qui ne te voient que 5 minutes en appel vidéo quand tu es à l’hôtel, ton mari inquiet quand tu prends une nouvelle fois la route après avoir si peu dormi. Dans un éclair de lucidité, après une soirée de tourmente conjugale, tu alertes ton hiérarchique car tu n’es plus capable de faire face à la situation et que tu veux que tout cela s’arrête.

Mais tu continues de tout accepter … même de rencontrer un coach professionnel pour t’aider à mieux concilier vie pro/vie perso à Mulhouse alors que tu habites Bordeaux car tu crois encore que tu peux y arriver.

Mai 2017

Et un jour, tu t’effondres…

Parce qu’enfin tu vas chez le médecin face à l’ultimatum familial.

Parce que le diagnostic est posé : «tableau clinique caractéristique d’un épuisement professionnel à dominance psychique. Besoin de repos en urgence et surtout d’une coupure totale avec son travail ». « Inaptitude médicale envisagée au poste. Arrêt de travail de 2 à 3 mois minimum pour soins avec suivi psychiatrique ».

Alors tu n’acceptes plus rien du tout… le repos imposé, les médicaments, les réflexions piquantes et mesquines des autres, même des plus proches, les procédures pour quitter ton emploi, la culpabilité d’avoir tout abandonné, l’échec, la honte, l’absence de statut social, les larmes pour te soigner … lentement … doucement … car désormais tu dois prendre le temps.

Avril 2019, deux ans plus tard

Messieurs, ce n’est pas parce qu’on parle ici du BURN OUT des femmes et de ses spécificités qu’on renie celui des hommes, qui est tout aussi grave et tout aussi réel! Promis on vous laisse la parole.

(Par contre je n’ai pas encore trouvé la variante masculine de “BURN’ette”. Si vous avez des idées je suis preneuse!)

Et après ?

Je pense maintenant que ce burn out était le 2ème de ma vie professionnelle. Le 1er s’étant traduit en 2006 par une névrite vestibulaire sans que j’ai pu en établir les raisons. A l’époque, enceinte de 3 mois, je prenais également des nouvelles fonctions, avec des déplacements, dans un contexte de fort stress professionnel. Mon organisme soumis à une intense fatigue avait dit « stop ! ».

Ce 2ème burn out m’a permis de comprendre que j’évoluais professionnellement à l’encontre de mes valeurs personnelles. Je me suis retrouvée à exercer un métier que je n’avais pas choisi. Un métier socialement valorisant, sérieux et rassurant pour mes proches et avec un salaire confortable. J’ai compris grâce à lui l’importance que j’accordais à mon équilibre familial, équilibre qui ne devait plus être perturbé par la place que je donnais à mon travail.

Aujourd’hui, je cherche encore mon futur projet professionnel, en m’autorisant à tester des métiers. J’enseigne auprès de lycéens ce qui me permet de garder du temps pour prendre soin de moi, de retrouver petit à petit mes capacités intellectuelles, et de reprendre confiance en moi sans rechercher constamment la reconnaissance de ma hiérarchie. Je me laisse le temps d’essayer et de me tromper.

Désormais, je sais que j’aurai toujours en tête le risque de faire un nouveau burn out, mais pour faire mentir le proverbe « jamais 2 sans 3 », je préfère dire :

je suis une burn’ette.

Une Burn’ette