#jesuisuneBURN’ette

Témoignage d’Anne-Sophie

J’ai vécu l’épreuve du burn out il y a deux ans. J’étais notaire assistante depuis 10 ans, je travaillais sans relâche, sans compter mes heures dans le plus profond dévouement tout en m’occupant tant bien que mal de ma famille (deux enfants en bas âge) et de ma maison.
Mon corps me lançait pourtant de nombreux signaux d’alerte : fatigue chronique, perte d’appétit, douleurs thoraciques, troubles digestifs, maux de têtes, baisse de l’acuité visuelle, difficulté de concentration, sciatique…
Entre nécessité financière, besoin de reconnaissance professionnelle, culpabilité maternelle, difficultés du quotidien, je n’avais pas le choix : je devais continuer, tenir… en me laissant toujours plus de côté pour arriver à caser l’ensemble de mes tâches dans les seules 24h qui m’étaient données par jour.
J’avais fini par admettre de façon totalement irrationnelle que j’allais mourir de fatigue au travail.

Puis un jour, on m’a annoncé un énième problème de santé… c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Le lendemain j’avais perdu la mémoire immédiate. Je ne savais pas ce que je faisais dans une pièce, je me douchais à plusieurs reprises sans m’en rendre compte, je vivais avec des pense-bêtes collés un peu partout dans la maison.

En une journée, je suis passée de superwoman à superlooser !
Greffée à mon canapé pendant les mois qui ont suivi.

Il me fallait sans doute cela pour m’obliger à m’arrêter de travailler. Mon cerveau s’était mis de façon salutaire en pause.
Cette période a été particulièrement compliquée. Mon corps ne répondait plus, j’avais beau dormir je ne me sentais jamais reposée, mon cerveau était dans une sorte de brouillard permanent m’empêchant de me concentrer sur la moindre tâche. Je me suis sentie vraiment seule.
Incompréhension de ma famille et mes amis, impuissance de mon mari, tristesse de mes enfants.

Je me suis attribuée, avec ma copine qui vivait la même chose que moi, un petit surnom pour tenter de dédramatiser la situation : “BURN’ette”.

(Précision : ça se lit “BEURNette” pour celles qui ont l’esprit mal placé)

De cette expérience, j’ai tiré plusieurs conclusions :

Qu’il n’existait presque aucune structure d’accompagnement pour les personnes victimes de BURN OUT (le France a beaucoup de retard par rapport aux pays du nord), à l’exception d’une prise en charge psychiatrique, parfois mal vécue par la personne en burn out qui par définition est dans le déni de sa pathologie. 

Que le fonctionnement de l’entreprise, la déshumanisation de certaines pratiques managériales, l’hyper connectivité, la course permanente vers une production accrue, l’objectif de “dépassement de soi”, sont sources d’épuisement psychologique et physique. Les managers sont d’ailleurs parfois eux-mêmes les premières victimes d’épuisement. 

Que le BURN OUT des femmes, qui sont deux fois plus touchées par le BURN OUT, est beaucoup plus complexe à appréhender car il est bien souvent multifactoriel. Les femmes, lorsqu’elles me parlent de leur BURN OUT, n’évoquent pas seulement des raisons professionnelles mais quasi systématiquement aussi leurs difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Certains dirons : “vous avez voulu l’égalité professionnelle, vous l’avez”. N’est ce pas l’effet boomerang d’une égalité professionnelle, non encore atteinte d’ailleurs, mal accompagnée. N’aurait-il pas fallu une approche et un traitement beaucoup plus global de l’égalité professionnelle avec une prise en compte de la sphère privée?

Que la question du BURN OUT, et spécifiquement du BURN OUT des femmes, reste encore particulièrement tabou. J’ai éprouvé pendant ma convalescence un véritable sentiment de solitude et de honte et n’en ai parlé à personne. Pourtant lorsque plusieurs mois après j’ai commencé à assumer ce qui m’était arrivé, je me suis rendu compte que la plupart de mes amies avaient également vécu, à des stades différents, des épisodes de fatigue extrême. Je ne l’avais jamais su. 

Le problème dans notre société c’est que la femme doit exceller dans tous les domaines : une bonne mère, une bonne épouse, une bonne professionnelle, … Et, avouons-le, les femmes sont parfois les premières à maintenir cette exigence, n’hésitant pas à juger leurs prochaines lorsqu’elles faiblissent.
Il convient aujourd’hui d’admettre que ce culte de la perfection féminine a des conséquences sur notre santé. C’est cela que je souhaite aborder ici : gérer toujours 2/3 des tâches ménagères, endosser la fameuse “charge mentale”, tout en essayant de prouver deux fois plus notre compétence et notre légitimité au travail alors que les inégalités professionnelles tissent encore au dessus de nos têtes un plafond de verre…
A cela vous ajoutez tous les facteurs professionnels du BURN OUT : stress, job strain, dévalorisation, harcèlement moral voire sexuel…pas étonnant qu’aujourd’hui 36% des femmes soient victimes de BURN OUT. 

C’est pourquoi j’ai décidé de consacrer ce site à vous, vous qui vous considérez aussi un peu “BURN’ette”, pour ne plus vous sentir seules, pour échanger, pour informer, pour sensibiliser à la question afin de ne plus commettre les mêmes erreurs.
Voici un site, parfois un peu décalé, mais toujours bienveillant et sans jugement.
Créons ensemble une communauté de BURN’ettes pour parler librement de notre BURN OUT, quel qu’en soit le stade, qu’il soit diagnostiqué ou pas encore, qu’il soit professionnel, personnel ou parental, qu’il soit passé,  présent ou futur.

#jesuisuneBURN’ette

Revendiquons nos faiblesses, nos imperfections, sans tabou et sans peur du jugement.
Pendant toute la période de mon BURN OUT j’ai essayé de m’en sortir avec mes petits moyens. Je voulais redevenir la superwoman que j’étais quelques semaines auparavant. J’ai donc testé pleins de choses, j’ai rencontré des gens formidables, j’ai énormément appris sur moi-même.
Je souhaite aujourd’hui partager mon expérience à travers des articles, des bons plans, des interviews de professionnels, …

C’est ce chemin de croix qui m’a permis de prendre conscience que ce n’était pas cette superwoman qu’il fallait que je redevienne mais que je me retrouve, moi, avec mes défauts, mes faiblesses, mes envies, que j’adapte ma vie, mon travail à moi-même et non le contraire.
Mon BURN OUT m’a obligé à repenser ma vie, mes priorités, à prendre soin de moi sans culpabiliser. Il m’a permis de quitter un statut professionnel certes très confortable et socialement reconnu, mais qui ne me correspondait pas.

Avec le recul, mon BURN OUT était la meilleure chose qu’il puisse m’arriver. C’est ce message que je veux faire passer.

Et les hommes alors ?

Messieurs, ce n’est pas parce qu’on parle ici du BURN OUT des femmes et de ses spécificités qu’on renie celui des hommes, qui est tout aussi grave et tout aussi réel! Promis on vous laisse la parole.

(Par contre je n’ai pas encore trouvé la variante masculine de “BURN’ette”. Si vous avez des idées je suis preneuse!)

Et après ?

Nous avons monté avec d’autres BURN’ettes, qui étaient ou sont devenues mes amies, une association pour pouvoir accompagner des femmes en BURN OUT, les aider à coordonner leurs démarches tant du point de vue médical, paramédical, social que juridique en créant autour de l’association un réseau de professionnels compétents sensibilisés au sujet.
Avec votre soutien, nous arriverons, j’espère, à monter un lieu d’accueil physique pluridisciplinaire permettant d’accueillir les personnes victimes de BURN OUT.
Pour cela nous avons besoin de vous, de votre implication, de votre relais…en vue de créer une communauté de BURN’ettes qui puisse se faire entendre !

Au delà du virtuel, l’humain est essentiel

Une Burn’ette